Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/204

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MAÎTRE PIERRE

Oh ! vartigué, laissez-moi faire ; je parlerons au père itou : il n’a qu’à venir, avec son sang noble, comme je vous le rembarrerai ! Je nous traitons tous deux sans çarimonie ; je sis son farmier, et en cette qualité, j’ons le parvilège de l’assister de mes avis ; je sis accoutumé à ça : il me conte ses affaires, je le gouvarne, je le réprimande : il est bavard et têtu ; moi je suis roide et prudent ; je li dis : il faut que ça soit, le bon sens le veut ; là-dessus il se démène, je hoche la tête, il se fâche, je m’emporte, il me repart, je li repars : tais-toi ! Non, morgué ! Morgué, si ! Morgué, non ! et pis il jure ; et pis je li rends ; ça li établit une bonne opinion de mon çarviau, qui l’empêche d’aller à l’encontre de mes volontés : et il a raison de m’obéir ; car en vérité, je sis fort judicieux de mon naturel, sans que ça paraisse : ainsi je varrons ce qu’il en sera.

DORANTE

Si tu me rends service là-dedans, maître Pierre, et que Mademoiselle Argante n’épouse pas l’homme en question, je te promets d’honneur cinquante pistoles en te mariant avec Lisette.

MAÎTRE PIERRE

Monsieur Dorante, vous avez du sang noble, c’est moi qui vous le dis ; ça se connaît aux pistoles que