Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 1.djvu/255

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Micromégas de Voltaire ; mais comment espérer de réaliser à la scène de pareilles transformations ? Comment les comédiens osèrent- ils tenter une semblable entreprise ? Comment n’avoir pas prévu que ces hommes qui devaient , en public, s’agrandir et se rapetisser aux yeux de l’esprit , en conservant , pour les yeux du corps , leur taille ordinaire, exigeaient un genre d’illusion trop forcée pour le théâtre ? En vain, dans le Prologue, Marivaux cherche-t-il à se justifier , en citant une pièce dans laquelle un homme et une femme deviennent invisibles par le moyen d’une ceinture ; j’ignore de quelle pièce il veut parler ; c’est probablement d’une farce italienne oubliée aujourd’hui, car, dans la Ceinture magique de J. B. Rousseau, le seul incident comique qu’amène la ceinture n’a aucun rapport avec le prodige opéré dans l'Ile de la Raison.

Quel rapport d’ailleurs d’une pièce de la foire à un ouvrage représenté sur le Théâtre-Français ? et n’est-il pas évident , d’ailleurs , que le spectateur se prêtera mille fois plus facilement à la supposition d’une invisibilité convenue , qu’à celle d’un accroissement et d’une diminution de taille qui se reproduit à chaque scène pendant trois actes. Poinsinet se croyait invisible, et vingt convives appuyaient son erreur en affectant de la partager ; mais on n’aurait jamais persuadé A Poinsinet lui-même, que les vingt convives étaient tour à tour des habitans de Lilliput et de Brobdingnag. Ce sont là de ces objets

Que l'art judicieux

Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux.


Une idée plus bizarre encore que toutes les autres , une erreur véritablement plus inexplicable , parce qu’elle supposerait dans Marivaux une ignorance des premières lois de la morale et des rapports naturels des deux sexes, vient