Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 2.djvu/333

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JUGEMENT
SUR LA COMÉDIE
DE LA DISPUTE.


La comédie s’écarte de son but lorsqu’au lieu de diriger ses coups sur des travers positifs et plus ou moins dangereux, elle s’amuse à créer, pour les combattre, des faits purement hypothétiques, et qui, n’ayant jamais existé, ne peuvent tirer à aucune conséquence. Le tort de la comédie deviendrait encore plus grave, si à l’incertitude de l’hypothèse se réunissait l’inutilité, et si, en admettant la solution adoptée par l’auteur, il n’en résultait pas l’ombre d’une leçon profitable aux mœurs.

Une dispute est le sujet de la pièce que l’on va lire, et lui donne son titre. Cette dispute est de vieille date ; établie dans le moment entre un prince et sa favorite, elle avait commencé vingt ans auparavant sous le règne du prédécesseur, et le père a voulu se mettre un jour, lui ou son fils, à même de la terminer péremptoirement. Il s’agit de savoir lequel de la femme ou de l’homme a donné le premier exemple d’inconstance et d’infidélité en amour ; les femmes se déclarent contre l’homme, les hommes contre la femme : cela est dans l’ordre. La querelle n’aurait jamais de fin. Comment trancher cette grande et importante difficulté ? Le roi défunt croit en avoir trouvé le moyen ; il a imaginé une épreuve qui ne doit rien laisser à désirer. Quatre enfans au berceau, deux filles et deux garçons, ont été portés dans une maison bâtie exprès pour