Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 3.djvu/485

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LÉLIO

En quoi donc ?

TRIVELIN

Vous croyez que la Comtesse vous aime toujours ?

LÉLIO

J’en suis persuadé.

TRIVELIN

Erreur, trois fois erreur !

LÉLIO

Comment ?

TRIVELIN

Oui, Monsieur ; vous n’avez ni ami ni maîtresse. Quel brigandage dans ce monde ! la Comtesse ne vous aime plus, le Chevalier vous a escamoté son cœur : il l’aime, il en est aimé, c’est un fait ; je le sais, je l’ai vu, je vous en avertis ; faites-en votre profit et le mien.

LÉLIO

Eh ! dis-moi, as-tu remarqué quelque chose qui te rende sûr de cela ?

TRIVELIN

Monsieur, on peut se fier à mes observations. Tenez, je n’ai qu’à regarder une femme entre deux yeux, je vous dirai ce qu’elle sent et ce qu’elle sentira, le tout à une virgule près. Tout ce qui se passe dans son cœur s’écrit sur son visage, et j’ai tant étudié cette écriture-là, que je la lis tout aussi couramment que la mienne. Par exemple, tantôt, pendant que vous vous amusiez dans le jardin à cueillir des fleurs pour la