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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/412

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AGIS

Eh ! de quelle espèce de faiblesse s’agit-il, Seigneur ?

HERMOCRATE

De la plus pardonnable pour tout le monde, de la plus commune ; mais de la plus inattendue chez moi. Vous savez ce que je pensais de la passion qu’on appelle amour.

AGIS

Et il me semble que vous exagériez un peu là-dessus.

HERMOCRATE

Oui, cela se peut bien ; mais que voulez-vous ? Un solitaire qui médite, qui étudie, qui n’a de commerce qu’avec son esprit, et jamais avec son cœur, un homme enveloppé de l’austérité de ses mœurs n’est guère en état de porter son jugement sur certaines choses ; il va toujours trop loin.

AGIS

Il n’en faut pas douter, vous tombiez dans l’excès.

HERMOCRATE

Vous avez raison ; je pense comme vous ; car que ne disais-je pas ? Que cette passion était folle, extravagante, indigne d’une âme raisonnable ; je l’appelais un délire ; et je ne savais ce que je disais. Ce n’était pas là consulter ni la raison ni la nature ; c’était critiquer le ciel même.

AGIS

Oui ; car dans le fond, nous sommes faits pour aimer.