Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/65

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tout riches que vous êtes, et qui ont aujourd’hui pitié de vous, tout pauvres qu’ils sont. Estimez-vous à cette heure, faites les superbes, vous aurez bonne grâce ! Allez, vous devriez rougir de honte.

Arlequin

Allons, ma mie, soyons bonnes gens sans le reprocher, faisons du bien sans dire d’injures. Ils sont contrits d’avoir été méchants, cela fait qu’ils nous valent bien ; car quand on se repent, on est bon ; et quand on est bon, on est aussi avancé que nous. Approchez, Madame Euphrosine ; elle vous pardonne ; voici qu’elle pleure ; la rancune s’en va, et votre affaire est faite.

Cléantis

Il est vrai que je pleure, ce n’est pas le bon cœur qui me manque.

Euphrosine, tristement.

Ma chère Cléantis, j’ai abusé de l’autorité que j’avais sur toi, je l’avoue.

Cléantis

Hélas ! comment en aviez-vous le courage ? Mais voilà qui est fait, je veux bien oublier tout ; faites comme vous voudrez. Si vous m’avez fait souffrir, tant pis pour vous ; je ne veux pas avoir à me reprocher la même chose, je vous rends la liberté ; et s’il y avait un vaisseau, je partirais tout à l’heure avec vous : voilà tout le mal que je vous veux ; si vous m’en faites encore, ce ne sera pas ma faute.

Arlequin, pleurant.

Ah ! la brave fille ! ah ! le charitable naturel !