Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 4.djvu/99

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LE CHEVALIER

tire à part Madame Damis pour lui dire ce qui suit.

Cousine, sentez-vous mon projet ? Cette canaille a cent mille francs ; vous êtes veuve, je suis garçon ; voici un fils, voilà une fille ; vous n’êtes pas riche, mes finances sont modestes : les légitimes de la Garonne, vous les connaissez ; proposons d’épouser. Ce sont des villageois : mais qu’est-ce que cela fait ? Regardons le tout comme une intrigue pastorale ; le mariage sera la fin d’une églogue. Il est vrai que vous êtes noble ; moi, je le suis depuis le premier homme ; mais les premiers hommes étaient pasteurs ; prenez donc le pastoureau, et moi la pastourelle. Ils ont cinquante mille francs chacun, cousine, cela fait de belles houlettes. En voulez-vous votre part ? Eh donc ! Colin est jeune, et sa jeunesse ne vous messiéra pas.

MADAME DAMIS

Chevalier, l’idée me paraît assez sensée ; mais la démarche est humiliante.

LE CHEVALIER

Cousine, savez-vous souvent de quoi vit l’orgueil de la noblesse ? de ces petites hontes qui vous arrêtent. La belle gloire, c’est la raison, cadédis ; ainsi j’achève. (À Blaise et à sa femme.) Monsieur et Madame Blaise, si ces aimables enfants voulaient se promener un petit tour à l’écart, je vous ouvrirais une pensée qui me paraît piquante.

BLAISE

Holà ! précepteur, boutez de la marge entre nous ; convarsez à dix pas.

Les enfants se retirent après avoir salué la compagnie qui les salue aussi.