Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/10

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lui en demandez pas d’autre. Figurez-vous qu’elle n’écrit point, mais qu’elle parle ; peut-être qu’en vous mettant à ce point de vue-là, sa façon de conter ne vous sera pas si désagréable.

« Il est pourtant vrai que dans la suite elle réfléchit moins et conte davantage, mais pourtant elle réfléchit toujours ; comme elle va changer d’état, ses récits vont devenir aussi plus curieux, et ses réflexions plus applicables à ce qui se passe dans le grand monde. »

Il y aurait bien quelques répliques permises à ce petit mémoire justificatif ; Marivaux a pris soin, comme on voit, d’y répondre lui-même, et sa réponse est la seule qu’il pouvait faire, parce qu’elle est d’un homme d’esprit, de jugement et de bonne foi. Il s’est corrigé ; les réflexions ont été progressivement réduites, et comme les réductions ont eu lieu dans la même proportion que l’intérêt des événemens augmente, l’amour-propre du lecteur intelligent, qui n’aime pas les lisières, la curiosité du lecteur ordinaire qui ne demande qu’à être amusé, en ont également fait leur profit.

Marivaux apportait à la composition de son ouvrage favori autant de cette sage lenteur, si recommandée par les législateurs du goût, que les romanciers de nos jours apportent à la rédaction de leurs écrits de facilité, et quelquefois aussi de précipitation. Que ce fût de sa part ou système de perfectionnement, ou impuissance de faire plus vite, on est toujours étonné des intervalles immenses qu’il laissait écouler entre la publication de chacune des parties de sa Marianne. La première partie, par exemple, parut en 1718, et la seconde en 1734. Les parties suivantes, jusqu’à la onzième inclusivement, se succédèrent il est vrai d’année en année. Il employa donc seize ans à composer son ouvrage ; et cet ouvrage, pour l’étendue du moins,