Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/169

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Quelle pitié ! me répondit-elle. Eh ! mais, Marianne, d’où est-elle donc venue, cette misérable querelle ? Je vous avais tant prêché, tant recommandé de ménager cet homme ! Ne m’en parlez plus, lui dis-je, c’est un indigne ; il voulait que je vous quittasse, et que j’allasse loger loin d’ici chez un homme de sa connaissance, qui apparemment ne vaut pas mieux que lui, et dont la femme devait me venir prendre demain matin. Ainsi, quand je n’aurais pas rompu avec lui, quand j’aurais fait semblant de consentir à ses sentiments, comme vous le dites, je n’en aurais pas demeuré plus longtemps chez vous, Madame Dutour.

Ah ! ah ! s’écria-t-elle, c’était donc là son intention ? Vous retirer de chez moi pour vous mettre en chambre avec quelque canaille ; ah ! pardi, celle-là est bonne ! Voyez-vous ce vieux fou, ce vieux pénard avec sa mine d’apôtre ! À le voir, on le mettrait volontiers dans une niche ; et pourtant il me fourbait aussi. Mais à propos de quoi vous aller planter ailleurs ? Est-ce qu’il ne pouvait pas vous voir ici ? qui est-ce qui l’en empêchait ? il était le maître ; il m’avait dit qu’il prenait soin de vous, que c’était une bonne œuvre qu’il faisait. Eh ! tant mieux, je l’avais pris au mot, moi : est-ce qu’on trouble une bonne œuvre ? au contraire, on est bien aise d’y avoir part. Va-t-on éplucher si elle est mauvaise ? Il n’y a que Dieu qui sache la conscience des gens, et il veut qu’on pense bien de son prochain. De quoi avait-il peur ? Il n’avait qu’à venir, et aller son train ; dès qu’il dit