Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/198

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d’ici chez vous : que le ciel vous conduise. À demain.

Je le saluai sans pouvoir prononcer un seul mot, et je partis pour le moins aussi triste que je l’avais été en arrivant chez lui : les saintes et pieuses consolations qu’il venait de me donner me rendaient mon état encore plus effrayant qu’il ne me l’avait paru ; c’est que je n’étais pas assez dévote, et qu’une âme de dix-huit ans croit tout perdu, tout désespéré, quand on lui dit en pareil cas qu’il n’y a plus que Dieu qui lui reste : c’est une idée grave et sérieuse qui effarouche sa petite confiance. À cet âge on ne se fie guère qu’à ce qu’on voit, on ne connaît guère que les choses de la terre.

J’étais donc profondément consternée en m’en retournant ; jamais mon accablement n’avait été si grand.

Quelques embarras dans la rue m’arrêtèrent à la porte, d’un couvent de filles ; j’en vis celle de l’église ouverte et, moitié par un sentiment de religion qui me vint en ce moment, moitié dans la pensée d’aller soupirer à mon aise, et de cacher mes larmes qui fixaient sur moi l’attention des passants, j’entrai dans cette église, où il n’y avait personne, et où je me mis à genou, dans un confessionnal.

Là, je m’abandonnai à mon affliction, et je ne gênai ni mes gémissements ni mes sanglots ; je dis me gémissements, parce que je me plaignais, parce que je prononçais des mots, et que je disais : Pourquoi suis-je venue au monde, malheureuse que je suis ? Que fais-je sur la terre ? Mon Dieu, vous m’y avez mise, secourez-moi. Et autres choses semblables.

J’étais dans le plus fort de mes soupirs et de mes exclamations, du moins je le crois, quand une dame, que je ne