Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/205

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et que je ne démêlais pas alors. Elle va me plaindre, et ne me secourra pas, me disais-je ; il n’y a rien à faire.

Cependant ces dames, qui s’étaient levées, restaient debout, et j’en rougissais, parce que mon habit les trompait, et que j’étais bien au-dessous de tant de façons. Souhaitez-vous que nous soyons seules ? me dit la prieure.

Comme il vous plaira, madame, répondis-je ; mais je serais fâchée d’être cause que madame s’en allât, et de vous déranger ; si vous voulez, je reviendrai.

Ce que je disais dans l’intention d’échapper à l’embarras où je m’étais mise, et de ne plus revenir.

Non, mademoiselle, non, me dit la dame, en me prenant par la main pour me faire avancer ; vous resterez, s’il vous plaît ; ma visite est finie, et je partais. Ainsi je vais vous laisser libre : vous avez du chagrin, je m’en suis aperçue ; vous méritez qu’on s’y intéresse ; et si vous vous en retourniez, je ne me le pardonnerais pas.

Oui, madame, lui dis-je, pénétrée de ce discours et toute en pleurs, il est vrai que j’ai du chagrin : j’en ai beaucoup, il n’y a personne qui ait autant sujet d’en avoir que moi, personne de si à plaindre ni de si digne de compassion que je le suis ; et vous me