Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/224

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toute une année, s’il avait toujours été agréable ; de mémoire d’homme on n’avait vu tant de grâces à personne.

Mais commençons cette quatrième partie ; peut-être avez-vous besoin de la lire pour la croire ; et avant que de continuer mon récit, venons au portrait de ma bienfaitrice, que je vous ai promis, avec celui de la dame qu’elle a amenée, et à qui dans les suites j’ai eu des obligations dignes d’une reconnaissance éternelle.

Quand je dis que je vais vous faire le portrait de ces deux dames, j’entends que je vous en donnerai quelques traits. On ne saurait rendre en entier ce que sont les personnes ; du moins cela ne me serait pas possible ; je connais bien mieux les gens avec qui je vis que je ne les définirais ; il y a des choses en eux que je ne saisis point assez pour les dire, et que je n’aperçois que pour moi, et non pas pour les autres ; ou si je les disais, je les dirais mal. Ce sont des objets de sentiment si compliqués si d’une netteté si délicate qu’ils se brouillent dès que ma réflexion s’en mêle ; je ne sais plus par où les prendre pour les exprimer de sorte qu’ils sont en moi, et non pas à moi.

N’êtes-vous pas de même ? il me semble que mon âme, en mille occasions, en sait plus qu’elle n’en peut dire, et qu’elle a un esprit à part, qui est bien supérieur à l’esprit que j’ai d’ordinaire. Je crois aussi que les hommes sont bien au-dessus de tous les livres qu’ils font. Mais cette pensée me mènerait trop loin :