me jeter à vos pieds, que vous montrer l’affliction où je suis de vous avoir offensée ; je ne veux que vous demander pardon, non pas dans l’espérance de l’obtenir, mais afin que vous vous vengiez en me le refusant. Vous ne savez pas combien vous pouvez me punir ; il faut que vous le sachiez, je ne demande que la consolation de vous l’apprendre.
C’était là à peu près ce que contenait la lettre ; elle me pénétra, et j’avoue que mon cœur en secret n’en perdit pas un mot ; je crois même que Mme de Miran s’en aperçut, car elle me dit en me regardant : Ma fille, ce billet vous touche, n’est-ce pas ? je ne dirai point que non, ma mère, je ne sais point mentir, répondis-je : ne craignez rien pourtant, je n’en ferai pas mon devoir avec moins de courage, au contraire.
Mais, repartit-elle, de quelle offense parle-t-il donc ? De la mauvaise opinion qu’il témoigna avoir de moi quand il trouva M. de Climal à mes genoux, repartis-je ; et depuis qu’il a reçu ma lettre, où je le priais de remettre le paquet de hardes à son oncle, il a bien vu qu’il s’était trompé sur mon compte, et que j’étais innocente ; et voilà pourquoi il a mis qu’il m’a offensée.
Sur ce pied-là, dit Mme Dorsin, ce qu’il lui écrit marque bien autant de probité que d’amour. J’aime à le voir rendre justice à la vertu de Marianne, c’est le procédé d’un honnête homme ; et plus il estime votre fille, moins elle aura de peine à l’amener à ce que la raison et la conjoncture présente exigent qu’il fasse. Comptez là-dessus.