Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/304

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états ; supposez-y un militaire, un financier, un homme de robe, un ecclésiastique, un habile homme dans les arts qui n’a que son talent pour toute distinction, un savant qui n’a que sa science : ils ont beau être ensemble, tous réunis qu’ils sont, ils ne se mêlent point, jamais ils ne se confondent ; ce sont toujours des étrangers les uns pour les autres, et comme gens de différentes nations ; toujours des gens mal assortis, qui se servent mutuellement de spectacle.

Vous y verrez aussi une subordination sotte et gênante, que l’orgueil cavalier ou le maintien imposant des uns, et la crainte de s’émanciper dans les autres, y conservent entre eux.

L’un interroge hardiment, l’autre avec poids et gravité ; l’autre attend pour parler qu’on lui parle.

Celui-ci décide, et ne sait ce qu’il dit ; celui-là a raison, et n’ose le dire ; aucun d’entre eux ne perd de vue ce qu’il est, et y ajuste ses discours et sa contenance ; quelle misère !

Oh ! je vous assure qu’on était bien au-dessus de cette puérilité-là chez Mme Dorsin, elle avait le secret d’en guérir ceux qui la voyaient souvent.

Il n’était point question de rangs ni d’états chez elle ; personne ne s’y souvenait du plus ou du moins d’importance qu’il avait ; c’était des hommes qui