Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

devons le prendre en passant, et c’est moi qui n’ai pas voulu l’amener ici. Vous allez le voir tout à l’heure.

En effet, nous arrêtâmes à quelques pas de là : un laquais, que j’avais aperçu de loin à la porte d’une maison, disparut sur-le-champ, et courut sans doute avertir son maître, qui lui avait apparemment ordonné de se tenir là, et qui était déjà descendu quand nous arrivâmes. Que l’instant où l’on revoit ce qu’on aime fait de plaisir après quelque absence ! Ah ! l’agréable objet à retrouver !

Je compris à merveille, en le voyant à la porte de cette maison, qu’il fallait qu’il eût pris des mesures pour me revoir une ou deux minutes plus tôt ; et de quel prix n’est pas une minute au compte de l’amour, et quel gré mon cœur ne sut-il pas au sien d’avoir avancé notre joie de cette minute de plus !

Quoi ! mon fils, vous êtes déjà là ? lui dit Mme de Miran voilà ce qui s’appelle mettre les moments à profit. Et voilà ce qui s’appelle une mère qui, à force de bon cœur, devine les cœurs tendres, lui répondit-il du même ton. Taisez-vous, lui dit-elle, supprimez ce langage-là, il n’est pas séant que je l’écoute ; que vos tendresses attendent, s’il vous plaît, que je n’y sois plus. Tu baisses les yeux, toi, ajouta-t-elle en s’adressant à moi ; mais je t’en veux aussi ; je t’ai vu tantôt pâlir de ce qu’il n’était pas avec moi ; ce n’était pas assez de votre mère, mademoiselle ?

Ah ! ma mère, ne la querellez point, lui répondit Valville