Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/398

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femme-ci en agit-elle si librement avec moi, qui suis censée être si fort au-dessus d’elle, et qu’elle doit regarder comme une amie de sa maîtresse ? je suis persuadée que ce n’est pas là l’intention de Mme de Miran.

Après cette réflexion, il m’en vint une autre ; j’observai que le cocher n’avait point la livrée de ma mère, et tout de suite je songeai encore à cette étonnante visite que j’avais reçue la veille de cette parente de Mme de Miran ; et toutes ces considérations furent suivies d’un peu d’inquiétude.

Qu’est-ce que c’est que ce cocher ? lui dis-je. Je ne l’ai jamais vu à votre maîtresse, mademoiselle. Aussi n’est-il point à elle, me répondit cette femme ; c’est celui d’une dame qui l’est venue voir, et qui a bien voulu le prêter pour me mener à votre couvent. Et pendant ce temps nous avancions. Je ne voyais point encore la rue de Mme de Miran, que je connaissais, et qui était aussi celle de la Dutour.

Vous vous ressouviendrez bien que je savais le chemin de chez cette lingère à mon couvent, puisque c’était de chez elle que j’étais partie pour m’y rendre avec mes hardes que j’y fis porter, et je ne voyais aucune des rues que j’avais traversées alors.

Mon inquiétude en augmenta si fort que le cœur m’en battit. Je n’en laissai pourtant rien paraître, d’autant plus que je m’accusais moi-même d’une méfiance ridicule.

Arriverons-nous bientôt ? lui dis-je. Par quel chemin