Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/428

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Ah ! monsieur, lui dis-je avec un geste d’indignation, vous me tenez là un étrange discours, et votre amour n’est guère poli. Laissons cela, je vous prie.

Pardi ! mademoiselle, comme il vous plaira, me répondit-il en se levant ; je n’en serai ni pis ni mieux ; et avec votre permission, il n’y a pas de quoi être si fière. Si ce n’est pas vous, j’en suis bien mortifié, mais ce sera une autre ; on a cru vous faire plaisir, et point de tort. À l’exception de votre beauté, que je ne dispute pas, et qui m’a donné dans la vue, je ne sais pas qui y perdra le plus de nous deux. Je n’ai chicané sur rien, quoique tout vous manque ; je vous aurais estimée, honorée, et chérie ni plus ni moins ; et dès que cela ne vous accommode pas, je prends congé de mademoiselle, et je reste bien son très humble serviteur.

Monsieur, lui dis-je, je suis votre servante. Là-dessus il fit quelques pas pour s’en aller, et puis, revenant à moi :

Au surplus, mademoiselle, je songe que vous êtes seule ; et si en attendant qu’on revienne vous chercher, ma compagnie peut vous être bonne à quelque chose, je me donnerai l’honneur de vous l’offrir.

Je vous rends mille grâces, monsieur, lui répondis-je la larme à l’œil, non pas de ce qu’il me quittait, comme vous pouvez penser, mais de la douleur de me voir livrée à d’aussi mortifiantes aventures.

Ce n’est peut-être pas moi qui est cause que vous pleurez, mademoiselle, ajouta-t-il ; je n’ai rien dit qui soit capable de vous chagriner. Non, monsieur,