Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/490

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qui s’était remis dans le carrosse où il l’attendait. Il nous avait quittées à l’instant où nous avions été au parloir de l’abbesse, et je ne l’avais pas vu moins tendre qu’il avait coutume de l’être ; il n’y eut qu’une chose à laquelle il manqua, c’est qu’il oublia de parler à Mme de Miran du jour où nous nous reverrions, et je me rappelai cet oubli un quart d’heure après que je fus rentrée ; mais nous avions été dérangés ; l’accident de la demoiselle avait distrait nos idées, avait fixé notre attention ; et puis, ma mère n’avait-elle pas dit au logis que je reviendrais le lendemain ou le jour d’après ? Cela ne suffisait-il pas ?

Je l’excusais donc, et je traitais de chicane la remarque que j’avais d’abord faite sur son oubli.

Je reçus de l’abbesse, et des religieuses, et des pensionnaires que je connaissais, l’accueil le plus obligeant. Je vous ai déjà dit qu’on m’aimait, et cela était vrai, et surtout de la part de cette religieuse dont j’ai déjà fait mention, et qui m’avait si bien vengée de la hauteur et des railleries de la jeune et jolie pensionnaire dont je vous ai parlé aussi. Dès que j’eus remercié tout le monde de la joie qu’on avait témoignée pour mon retour, je courus chez ma nouvelle compagne, dont on avait la veille apporté toutes les hardes, qu’une sœur converse arrangeait alors, pendant qu’elle rêvait tristement à côté d’une table sur laquelle elle était appuyée.

Elle se leva du plus loin qu’elle m’aperçut, vint m’embrasser, et marqua un extrême plaisir à me voir.

Il aurait été difficile de ne pas l’aimer ; elle avait les