Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/515

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depuis votre convalescence. Il ajouta qu’il voyait assez souvent un de ses parents, et qu’ils devaient, je pense, souper ce même soir ensemble. Enfin, lorsque j’allais le quitter ; j’oubliais, me dit-il, une lettre que ma mère m’a chargé de vous remettre de sa part, mademoiselle. Il rougit en me la présentant ; je la pris, croyant de bonne foi qu’elle était de Mme de Miran ; et point du tout, dès qu’il fut sorti, je vis qu’elle était de lui. Je l’ouvris en revenant chez vous dans l’intention de vous la porter, je n’en fis pourtant rien ; et vous y verrez la raison qui m’en empêcha.

Elle tira alors cette lettre de sa poche, me la donna tout ouverte, et me dit ; Lisez. Je la pris d’une main tremblante, et je n’osais en regarder le caractère. À la fin pourtant je jetai les yeux dessus, et la mouillant de mes larmes : Il écrit, mais ce n’est plus à moi, dis-je, mais ce n’est plus à moi !

Je fus si pénétrée de cette réflexion, j’en eus le cœur si serré, que je fus longtemps comme étouffée par mes soupirs, et sans pouvoir commencer la lecture de cette lettre, qui était courte, et dont voici les termes :

« Depuis le jour de votre accident, mademoiselle, je ne suis plus à moi. En venant ici aujourd’hui, j’ai prévu que mon respect m’empêcherait de vous le dire ; mais j’ai prévu aussi que mon trouble et mes regards timides vous le diraient ; vous m’avez vu en effet trembler devant vous, et vous avez voulu vous retirer sur-le-champ. Je crains que