Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/109

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où je tremblais seulement en entendant leur voix.

Je croyais dépendre du caprice ou de l’humeur de tout le monde ; il n’y avait personne dans la maison, pas un domestique à qui je ne m’imaginasse avoir obligation de ce qu’il ne me méprisait ou ne me rebutait pas ; et vous devez, ma chère Marianne, juger mieux qu’une autre combien je souffris, moi que rien n’avait préparée à cette étrange sorte de misère, moi qui n’avais pas la moindre idée de ce qu’on appelle peine d’esprit, et qui sortais d’entre les mains d’une grand’mère qui m’avait amolli le cœur par ses tendresses.

Ce ne sont pas là de ces chagrins violents où l’on s’agite, où l’on s’emporte, où l’on a la force de se désespérer ; c’est encore pis que cela ; ce sont de ces tristesses retirées dans le fond de l’âme, qui la flétrissent, et qui la laissent comme morte. On n’est qu’épouvanté de n’appartenir à personne, mais on se sent comme anéanti en présence de tels parents.

Enfin, ma situation changea. Il n’y avait plus rien à discuter, et le quatrième jour de la mort de Mme de Tresle, mes tantes songèrent à s’en retourner chez elles avec leurs maris qui les étaient venus prendre.

Un vieux et ancien domestique qui s’était marié chez Mme de Tresle, et qui logeait dans la basse-cour avec toute sa famille, de vigneron qu’il était, fut établi concierge de la maison, en attendant qu’on eût levé les scellés.

Cet homme se ressouvint que j’étais enfermée dans cette petite chambre. Vous ne pouvez pas demeurer