Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bientôt vous ne saurez plus comment le trouver ; car ce n’est pas encore fait, nous ne sommes pas au bout.

Valville, qui m’aime dès le premier instant avec une tendresse aussi vive que subite (tendresse ordinairement de peu de durée ; il en est d’elle comme de ces fruits qui passent vite, à cause, qu’ils ont été mûrs de, trop bonne heure) ; Valville, dis-je, à sa volage humeur près, fort honnête homme, mais né extrêmement susceptible, d’impression, qui rencontre une beauté montante qui le touche, et qui me l’enlève ; ce Valville ne m’a pas laissée pour toujours ; ce n’est pas là son dernier mot. Son cœur n’est pas usé pour moi, il n’est seulement qu’un peu rassasié du plaisir de m’aimer, pour en avoir trop pris d’abord.

Mais le goût lui en reviendra : c’est pour se reposer qu’il s’écarte ; il reprend haleine, il court après une nouveauté, et j’en redeviendrai une pour lui plus piquante que jamais ; il me reverra, pour ainsi dire, sous une figure qu’il ne connaît pas encore ; ma douleur et les dispositions d’esprit où il me trouvera me changeront, me donneront d’autres grâces. Ce ne sera plus la même Marianne.

Je badine de cela aujourd’hui ; je ne sais pas comment j’y résistai alors. Continuons, et rentrons dans tout le pathétique de mon aventure.