Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/119

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général ; ma dévotion en augmentait tous les jours, et ma mine en devenait plus austère.

Cette femme m’associait à tous ses pieux exercices, m’enfermait avec elle pour de saintes lectures, m’emmenait à l’église et à toutes les prédications qu’elle courait ; je passais fort bien une heure ou deux assise et toute ramassée dans le fond d’un confessionnal, où je me recueillais comme elle, où je croyais du moins me recueillir à son exemple, à cause que j’avais l’honneur d’imiter sa posture.

Elle avait su m’intéresser à toutes ces choses par la façon insinuante avec laquelle elle me conduisait.

Ma prédestinée, me disait-elle souvent (car elle et ses amis ne me donnaient point d’autre nom), que la piété d’une fille comme vous est un touchant spectacle ! Je ne saurais vous regarder sans louer Dieu, sans me sentir excitée à l’aimer.

Eh ! mais sans doute, répondaient nos amis, cette piété qui nous charme, et dont nous sommes témoins, est une grâce que Dieu nous fait aussi bien qu’à mademoiselle ; et ce n’est pas pour en rester là que vous êtes si pieuse avec tant de jeunesse et tant d’agréments, ajoutait-on. Cela ira encore plus loin, Dieu vous destine à un état plus saint, il vous voudra toute entière ; on le voit bien, il faut de grands exemples au monde, et vous en serez un du triomphe de la grâce.

À ces discours qui m’animaient, on joignait des égards presque respectueux, on feignait des étonnements, on levait les yeux au ciel d’admiration ; j’étais