Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/121

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innocent qu’on prend pour elle ; et il est sûr que l’habit que nous portons, et qu’on ne voit qu’à nous, que la physionomie reposée qu’il nous donne, contribuent à cela, aussi bien que cet air de paix qui semble répandu dans nos maisons, et qui les fait imaginer comme un asile doux et tranquille ; enfin, il n’y a pas jusqu’au silence qui règne parmi nous qui ne fasse une impression agréable sur une âme neuve et un peu vive.

J’entre dans ce détail à cause de vous, à qui il peut servir, Marianne, et afin que vous examiniez en vous-même si l’envie que vous avez d’embrasser notre état ne vient pas en partie de ces petits attraits dont je vous parle, et qui ne durent pas longtemps.

Pour moi, je les sentais quand j’allais à ce couvent ; et il fallait voir comme ma religieuse me serrait les mains dans les siennes, avec quelle sainte tendresse elle me parlait et jetait les yeux sur moi. Après cela venaient encore deux ou trois de ses compagnes aussi caressantes qu’elle, et qui m’enchantaient par la douceur des petits noms qu’elles me donnaient, et par leurs grâces simples et dévotes ; de sorte que je ne les quittais jamais que pénétrée d’attendrissement pour elles et pour leur maison.

Mon Dieu ! que ces bonnes filles sont heureuses ! me disait la veuve quand nous retournions chez elle ; que n’ai-je pris cet état-là ! Nous venons de les laisser dans le sein du repos, et nous allons retrouver le tumulte de la vie du monde.