Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/124

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J’en demeurai dans un étonnement qui me rendit à mon tour quelques instants muette.

Dites-moi donc, m’écriai-je en la regardant, est-ce que vous pleurez ? Est-ce que je me trompe sur votre bonheur ?

Ace mot de bonheur, ses larmes redoublèrent, et j’en fus touchée moi-même, sans savoir ce qui l’affligeait.

Enfin, après plusieurs soupirs qui sortirent comme malgré elle : Hélas ! mademoiselle, me répondit-elle, gardez-moi le secret sur ce que vous voyez, je vous en conjure ; ne dites mes pleurs à personne ; je n’ai pu les retenir, et je vous en confierai la cause ; il ne vous sera peut-être pas inutile de la savoir, elle peut servir à votre instruction.

Elle s’arrêta là pour essuyer ses larmes. Achevez, lui dis-je en pleurant moi-même, et ne me cachez rien, ma chère aime ; je me sens pénétrée de vos chagrins, et je regarde la confiance que vous me témoignez comme un bienfait que je n’oublierai jamais.

Vous voulez vous faire religieuse ? me dit-elle alors, et les caresses de nos sœurs, l’accueil qu’elles vous font, les discours qu’elles vous tiennent, et autant qu’il me le semble, les insinuations de Mme de Sainte-Hermières (c’était le nom de ma veuve), tout vous y porte, et vous allez vous engager dans notre état sur la foi d’une vocation que vous croyez avoir, et que vous n’auriez peut-être pas sans tout cela. Prenez-y garde ! J’avoue, si vous êtes bien appelée, que vous vivrez tranquille et contente ; mais ne vous en fiez