Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/13

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trompiez, je me trompais. Allez, Marianne, cet homme-là n’a point de caractère, il n’a pas même un cœur ; on n’appelle pas cela en avoir un. Votre Valville est méprisable. Ah ! l’indigne, il vous aime, il va vous épouser ; vous tombez malade, on lui dit que votre vie est en danger ; qu’en arrive-t-il ? Qu’il vous oublie. C’est ce temps-là qu’il prend pour me venir dire qu’il m’aime, moi qu’il n’avait jamais vue qu’un instant, qui ne lui avais pas dit deux mots ! Eh ! qu’est-ce que c’est donc que cet amour qu’il avait pour vous ? Quel nom donner, je vous prie, à celui qu’il a pour moi ? D’où lui est venue cette fantaisie de m’aimer dans de pareilles circonstances ? Hélas ! je vais vous le dire ; c’est qu’il m’a vue mourante. Cela a remué cette petite âme faible, qui ne tient à rien, qui est le jouet de tout ce qu’elle voit d’un peu singulier. Si j’avais été en bonne santé, il n’aurait pas pris garde à moi ; c’est mon évanouissement qui en a fait un infidèle. Et vous qui êtes si aimable, si capable de faire des passions, peut-être avez-vous eu besoin d’être infortunée, et d’être dangereusement tombée à sa porte, pour le fixer quelques mois je conviens avec vous qu’il vous a regardée beaucoup à l’église ; mais c’est à cause que vous êtes belle ; et il ne vous aurait peut-être pas aimée sans votre situation et sans votre chute.

Hélas ! n’importe, il m’aimait ! m’écriai-je en