Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/132

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moi-même avec mon changement, et où je rêvai aux moyens de ne le laisser entrevoir qu’insensiblement aux autres ; car j’aurais été honteuse de les désabuser trop brusquement sur mon compte ; je voulais m’épargner leur surprise. Mais apparemment que je m’y pris mal, et je ne m’épargnai rien.

J’oubliais une circonstance qu’il est nécessaire que vous sachiez : c’est qu’en m’en retournant chez mon fermier avec la femme de chambre qui m’avait accompagnée au couvent, je rencontrai ce jeune homme dont m’avait entretenu la religieuse, cet abbé qui lui faisait répandre tant de larmes, et dont le billet que j’avais dans ma poche l’avait jetée dans un si grand trouble.

J’allais entrer chez M. Villot, et je venais de renvoyer la femme de chambre. Ce jeune tartufe, avec sa mine dévote, s’arrêta pour me saluer et me faire quelque compliment. Nous ne vous aurons donc pas ce soir chez Mme de Sainte-Hermières, où je vais souper, mademoiselle ? me dit-il. Non monsieur, lui répondis-je ; mais en revanche, je puis vous donner des nouvelles de Mme de… que je quitte, et qui m’a beaucoup parlé de vous (je nommai la religieuse) ; et l’air froid dont je lui dis ce peu de mots parut lui faire quelque impression ; du moins, je le crus.

Elle a bien de la bonté, reprit-il ; je la vois quelquefois ; comment se porte-t-elle ? Quoiqu’il n’y ait que trois heures que vous l’ayez quittée, lui repartis-je (et aussitôt il rougit), vous ne la reconnaîtriez pas, tant elle est abattue ; je l’ai laissé baignée de