Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/164

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ce fils, à qui, comme à un riche héritier, elle avait donné toute l’éducation possible, et que dans sa jeunesse elle avait envoyé à Saint-Malo pour y régler quelques restes d’affaires, y était devenu amoureux de la fille d’un petit artisan, fort vertueuse et fort raisonnable, disait-on, mais qui avait une sœur qui ne lui ressemblait pas, une malheureuse aînée qui n’avait de commun avec elle que la beauté, et qui pis est, dont la conduite avait personnellement déshonoré le père et la mère qui la souffraient.

Son autre sœur, malgré cet opprobre de sa famille, n’en était pas moins estimée, quoique la plus belle, et ce ne pouvait être là que l’effet d’une sagesse bien prouvée et bien exempte de reproche.

Quoi qu’il en soit, le fils de Mme Dursan (c’était le nom de la dame dont il s’agit), éperdu d’amour pour cette aimable fille, fit, à son retour de Saint-Malo, tout ce qu’il put auprès de sa mère pour obtenir la permission d’épouser sa maîtresse.

Mme Dursan, que quelques amis avaient informée de tout ce que je viens de vous dire, frémit d’indignation aux instances de son fils, s’emporta contre lui, l’appela le plus lâche de tous les hommes s’il persistait dans son dessein, qu’elle traitait d’horrible et d’infâme.

Son fils, après quelques autres tentatives qui furent encore plus mal reçues, bien convaincu à la fin de l’impossibilité de gagner sa mère, acheva sans bruit de perdre le peu de raison que l’espérance de réussir lui avait laissée, ferma les yeux sur tout ce qu’il allait