Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/239

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parler si longtemps de moi, et je ne demande pas mieux que de passer rapidement sur bien des choses, pour en venir à ce qu’il est essentiel que vous sachiez.

Non, madame, lui répondis-je, ne passez rien, je vous en conjure ; depuis que je vous écoute, je ne suis plus, ce me semble, si étonnée des événements de ma vie, je n’ai plus une opinion si triste de mon sort. S’il est fâcheux d’avoir comme moi, perdu sa mère, il ne l’est guère moins d’avoir, comme vous, été abandonnée de la sienne ; nous avons toutes deux été différemment à plaindre ; vous avez eu vos ressources, et moi les miennes. À la vérité, je crois jusqu’ici que mes malheurs surpassent les vôtres ; mais quand vous aurez tout dit, je changerai peut-être de sentiment.

Je n’en doute pas, me dit-elle, achevons.

Je vous ai dit que mon voyage était résolu, et je partis quelques jours après avec la dame dont je vous ai parlé.

J’avais été payée d’une moitié de ma pension ; et cette somme, que Mme Dorfrainville avait bien voulu recevoir pour moi sur ma quittance, avait été donnée de fort bonne grâce ; Mme Dursan avait même offert de l’augmenter.

Nous ne serons pas longtemps sans vous suivre, me dit-elle la veille de mon départ ; mais si, par quelque accident imprévu, vous avez besoin de plus d’argent avant que nous soyons à Paris, écrivez-moi, mademoiselle, et je vous en enverrai sur-le-champ.

Ce discours fut suivi de beaucoup de protestations