Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/250

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et voulut, en m’embrassant, me rendre les deux louis d’or que je l’avais forcée de prendre.

Vous n’y songez pas, lui dis-je, vous n’êtes pas encore arrivée, gardez-les jusque chez vous ; que je les reprenne aujourd’hui ou demain, n’est-ce pas la même chose ? Avez-vous intention de ne me pas revoir, et me quittez-vous pour toujours ?

J’en serais bien fâchée, me répondit-elle ; mais nous voici à Paris, nous allons y entrer, c’est comme si j’y étais. Vous avez beau dire, repris-je en me reculant, je me méfie de vous, et je vous laisse cet argent précisément pour vous obliger à m’apprendre où je vous retrouverai.

Elle se mit à rire, et s’avança vers moi ; mais je m’éloignai encore. Ce que vous faites là est inutile, lui criai-je ; donnez-moi mes sûretés, où logez-vous ?

Je ne vous en aurais pas moins instruite de l’endroit où je vais, me repartit-elle ; mon nom est Darneuil (ce n’était là que le nom d’une petite terre, et elle me cachait le véritable), et vous aurez de mes nouvelles chez M. le marquis de Viry, rue Saint-Louis, au Marais (c’était un de ses amis) ; dites-moi à présent à votre tour, ajouta-t-elle, où je vous trouverai.

Je ne sais point le nom du quartier où nous allons, lui répondis-je ; mais demain, j’enverrai quelqu’un qui vous le dira, si je ne vais pas vous le dire moi-même.

J’entendis alors Mme Darcire qui m’appelait,