Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/264

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dessus de la nôtre une grande quantité de peuple assemblé. Tout le monde était aux fenêtres : il semblait qu’il y avait eu une rumeur, ou quelque accident considérable ; nous demandâmes ce que c’était.

Pendant que nous parlions, arriva notre hôtesse, grosse bourgeoise d’assez bonne mine, qui sortait du milieu de cette foule, de l’air d’une femme qui avait eu part à l’aventure. Elle gesticulait beaucoup, elle levait les épaules. Une partie de ce peuple l’entourait, et elle était suivie d’un petit homme assez mal arrangé, qui avait un tablier autour de lui, et qui lui parlait le chapeau à la main.

De quoi s’agit-il donc, madame ? lui dîmes-nous dès qu’elle se fut approchée. Dans un moment, nous répondit-elle, j’irai vous le dire, mesdames ; il faut auparavant que je finisse avec cet homme-ci, qu’elle mena effectivement chez elle.

Un demi-quart d’heure après, elle revint nous trouver. Je viens de voir la chose du monde qui m’a le plus touchée, nous dit-elle. Celui que vous avez vu avec moi tout à l’heure est le maître d’une auberge d’ici près, chez qui depuis dix ou douze jours est venue se loger une femme passablement bien mise, qui même, par ses discours et par ses manières, n’a pas trop l’air d’une femme du commun. Je viens de lui parler, et j’en suis encore tout émue.

Imaginez-vous, mesdames, que la fièvre l’a prise deux jours après être entrée chez cet homme qui ne la connaît point, qui lui a loué une de ses chambres, et lui a fait crédit jusqu’ici sans lui demander d’argent,