Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/381

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Le récit de mes aventures ne sera pas inutile à ceux qui aiment à s’instruire. Voilà en partie ce qui fait que je les donne ; je cherche aussi à m’amuser moi-même.

Je vis dans une campagne où je me suis retiré, et où mon loisir m’inspire un esprit de réflexion que je vais exercer sur les événements de ma vie. Je les écrirai du mieux que je pourrai ; chacun a sa façon de s’exprimer, qui vient de sa façon de sentir.

Parmi les faits que j’ai à raconter, je crois qu’il y en aura de curieux : qu’on me passe mon style en leur faveur ; j’ose assurer qu’ils sont vrais. Ce n’est point ici une histoire forgée à plaisir, et je crois qu’on le verra bien.

Pour mon nom, je ne le dis point : on peut s’en passer ; si je le disais, cela me gênerait dans mes récits.

Quelques personnes pourront me reconnaître, mais je les sais discrètes, elles n’en abuseront point. Commençons.

Je suis né dans un village de la Champagne, et soit dit en passant, c’est au vin de mon pays que je dois le commencement de ma fortune.

Mon père était le fermier de son seigneur, homme extrêmement riche (je parle de ce seigneur), et à qui il ne manquait que d’être noble pour être gentilhomme.

Il avait gagné son bien dans les affaires ; s’était allié à d’illustres maisons par le mariage de deux de ses fils, dont l’un avait pris le parti de la robe, et l’autre de l’épée.