Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/388

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Bon ! madame, lui répondis-je, je suis le plus mal fait de notre village. Va, va, me dit-elle, tu ne me parais ni sot ni mal bâti, et je te conseille de rester à Paris, tu y deviendras quelque chose.

Dieu le veuille, madame, lui repartis-je ; mais j’ai du mérite et point d’argent, cela ne joue pas ensemble.

Tu as raison, me dit-elle en riant, mais le temps remédiera à cet inconvénient-là ; demeure ici, je te mettrai auprès de mon neveu qui arrive de province, et qu’on va envoyer au collège, tu le serviras.

Que le ciel vous le rende, madame, lui répondis-je ; dites-moi seulement si cela vaut fait, afin que je l’écrive à notre père ; je me rendrai si savant en le voyant étudier, que je vous promets de savoir quelque jour vous dire la sainte Messe. Hé ! que sait-on ? Comme il n’y a que chance dans ce monde, souvent on se trouve évêque ou vicaire sans savoir comment cela s’est fait.

Ce discours la divertit beaucoup, sa gaieté ne fit que m’animer ; je n’étais pas honteux des bêtises que je disais, pourvu qu’elles fussent plaisantes ; car à travers l’épaisseur de mon ignorance, je voyais qu’elles ne nuisaient jamais à un homme qui n’était pas obligé d’en savoir davantage, et même qu’on lui tenait compte d’avoir le courage de répliquer à quelque prix que ce fût.

Ce garçon-là est plaisant, dit-elle, je veux en avoir soin ; prenez garde à vous, vous autres (et c’était à ses femmes à qui elle parlait), sa naïveté vous réjouit aujourd’