Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/442

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tous les deux à votre santé, madame Catherine, lui dis-je. Bon, reprit-elle, tant que je me porterai bien, ils ne me feront pas de mal. Allons, venez, vous m’aiderez à faire cuire mes œufs.

Eh ! non, Catherine, ce n’est pas la peine, dit Mlle Habert la cadette ; donnez-moi le pot de confiture, ce sera assez. Mais, ma sœur, cela ne nourrit point, dit l’aînée. Les œufs me gonfleraient, dit la cadette ; et puis ma sœur par-ci, ma sœur par-là. Catherine, d’un geste sans appel, décida pour les œufs en s’en allant ; à cause, dit-elle, qu’un déjeuner n’était pas un dessert.

Pour moi, je la suivis dans sa cuisine, où elle me mit aux mains avec un reste de ragoût de la veille et des volailles froides, une bouteille de vin presque pleine, et du pain à discrétion.

Ah ! le bon pain ! Je n’en ai jamais mangé de meilleur, de plus blanc, de plus ragoûtant ; il faut bien des attentions pour faire un pain comme celui-là ; il n’y avait qu’une main dévote qui pût l’avoir pétri ; aussi était-il de la façon de Catherine. Oh ! l’excellent repas que je fis ! La vue seule de la cuisine donnait appétit de manger ; tout y faisait entrer en goût.

Mangez, me dit Catherine, en se mettant après ses œufs frais, Dieu veut qu’on vive. Voilà de quoi faire sa volonté, lui dis-je, et par-dessus le marché j’ai grande faim. Tant mieux, reprit-elle ; mais dites-moi, êtes-vous retenu ? Restez-vous avec nous ? Je l’espère ainsi, répondis-je, et je serais bien fâché que cela ne