Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/45

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Je devinais tout d’un coup ce ménagement apparent qu’elle avait eu pour moi ; mais je n’en fus pas la dupe.

En pareil cas, une amante jalouse et trahie en sait encore plus qu’une amante aimée. Ainsi son négligé ne m’en imposa pas. Je vis au premier coup d’œil qu’il n’était pas de bonne foi, et qu’elle avait tâché de n’y rien perdre.

La petite personne avait bien voulu se priver de magnificence, mais non pas s’épargner les grâces.

Et moi, qui m’étais laissée comme je m’étais mise en me levant, qui n’avais précisément songé qu’à jeter sur moi une mauvaise robe ; moi, si changée, si maigre, avec, des yeux éteints, avec un visage tel qu’on l’a quand on sort de maladie, tel qu’on l’a aussi quand on est affligé (voyez que d’accidents à la fois contre le mien !), je me sentis mortifiée, je vous l’avoue, de paraître avec tant de désavantage auprès d’elle, et par là d’aider moi-même à justifier Valville.

Qu’un amant nous quitte et nous en préfère une autre, eh bien ! soit ; mais du moins qu’il ait tort de nous la préférer ; que ce soit la faute de son inconstance, et non pas de nos charmes ; enfin, que ce soit une injustice qu’il nous fasse ; c’est bien la moindre chose ; et il me semblait que.je ne pourrais pas dire que Valville fût injuste.

De sorte que je me repentis de m’être engagée à dîner chez Mme de Miran ; mais il n’y avait plus moyen de s’en dédire.

Et puis, dans le fond, il y avait bien des choses à alléguer en ma faveur ; ma rivale, après tout, n’avait