Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/498

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continuer de plaire à nos deux hôtesses, à qui je trouvai aussi le secret de persuader qu’elles me plaisaient, afin de les exciter à me plaire à leur tour, et de les maintenir dans ce penchant qu’elles marquaient pour moi, et dont j’avais besoin pour presser Mlle Habert de s’expliquer ; et s’il faut tout dire, peut-être aussi voulais-je voir ce qui arriverait de cette aventure, et tirer parti de tout ; on est bien aise d’avoir, comme on dit, plus d’une corde à son arc.

Mais j’oubliais une chose, c’est le portrait de la jeune fille, et il est nécessaire que je le fasse.

J’ai dit son âge. Agathe, c’était son nom, dans son éducation bourgeoise, avait bien plus d’esprit que sa mère, dont les épanchements de cœur et la naiveté babillarde lui paraissaient ridicules ; ce que je connaissais par certains petits sourires malins qu’elle faisait de temps en temps, et dont la signification passait la mère, qui était trop bonne et trop franche pour être si intelligente.

Agathe n’était pas belle, mais elle avait beaucoup de délicatesse dans les traits, avec des yeux vifs et pleins de feu, mais d’un feu que la petite personne retenait, et ne laissait éclater qu’en sournoise, ce qui tout ensemble lui faisait une physionomie piquante et spirituelle, mais friponne, et de laquelle on se méfiait d’abord à cause de ce je ne sais quoi de rusé