Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/56

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dignité de sentiments que je venais de montrer à mon infidèle, cette honte et cette humiliation que je laissais dans son cœur, cet étonnement où il devait être de la noblesse de mon procédé, enfin cette supériorité que mon âme venait de prendre sur la sienne, supériorité plus attendrissante que fâcheuse, plus aimable que superbe, tout cela me remuait intérieurement d’un sentiment doux et flatteur ; je me trouvais trop respectable pour n’être pas regrettée.

Voilà qui était fini. Il ne lui était plus possible, à mon avis, d’aimer Mlle Varthon d’aussi bon cœur qu’il aurait fait ; je le défiais de m’oublier, d’avoir la paix avec lui-même ; sans compter que j’avais dessein de ne le plus voir, ce qui serait encore une punition pour lui ; de sorte que tout bien examiné, je crois qu’en vérité je me le figurais encore plus à plaindre que moi ; mais qu’au surplus c’était sa faute : pourquoi était-il infidèle ?

Et c’étaient-là les petites pensées qui m’occupaient en allant au-devant de Mme de Miran, et je ne saurais vous dire le charme qu’elles avaient pour moi, ni combien elles tempéraient ma douleur.

C’est que la vengeance est douce à tous les cœurs offensés ; il leur en faut une, il n’y a que cela qui les soulage ; les uns l’aiment cruelle, les autres généreuse, et, comme vous voyez, mon cœur était de ces derniers ; car ce n’était pas vouloir beaucoup de mal à Valville que de ne lui souhaiter que des regrets.

Je vous ai déjà dit que Mlle Varthon et lui me suivaient, et ils nous eurent bientôt joints.