Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/65

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voici l’heure de rentrer dans le couvent ; voulez-vous bien avoir la bonté de m’y renvoyer ?

Vous jugez bien, mademoiselle, que je vous y reconduirai moi-même, repartit Mme de Miran. Et puis, s’adressant à Mme Dorsin : Vous ne nous quitterez pas sitôt, lui dit-elle, je vais faire mettre les chevaux au carrosse ; je serai de retour dans un quart d’heure, et je compte vous retrouver ici avec Marianne.

Volontiers, dit Mme Dorsin. Mais je ne fus pas de leur avis.

Ma mère, lui dis-je d’une voix encore faible, je ne connaîtrai jamais de plus grand plaisir que celui d’être avec vous, j’en ferai toujours mon bonheur, je n’en veux point d’autre, je n’ai besoin que de celui-là. Mais M. de Valville reviendra ce soir, et si vous ne voulez pas que je meure, ne m’exposez pas à le revoir, du moins sitôt ; vous seriez vous-même fâchée de m’avoir gardée, vous n’en auriez que du chagrin. Je sais combien vous m’aimez, ma mère, et c’est votre tendresse que je ménage, c’est votre cœur que j’épargne ; et il faut que ce que je dis là soit bien vrai, puisque je vous en avertis aux dépens de la consolation que j’y perdrai. Mais aussi, quand M. de Valville aura pris un parti, quand il sera marié, je ne prends plus d’intérêt à la vie que pour être avec ma mère.

Elle a raison, cette aventure-ci est encore trop fraîche, et je pense comme elle : remettons-la dans son couvent, dit Mme Dorsin pendant que Mme de Miran s’essuyait les yeux.