Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/67

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Et dans le fond, c’était assez là comme je devais être. Je laissais Mme de Miran dans la douleur ; Mme Dorsin venait de m’embrasser les larmes aux yeux ; mon infidèle lui-même était troublé, il en avait donné des marques sensibles en nous quittant. Mon aventure remuait donc les trois cœurs qui m’étaient les plus chers, auxquels le mien tenait le plus, et qu’il m’était le plus consolant d’inquiéter. Vous voyez que mon affaire devenait la leur, et ce n’était point là être si à plaindre : je n’étais donc pas sans secours sur la terre ; on ne m’y faisait point verser de larmes sans conséquence ; j’y voyais du moins des âmes qui honoraient assez la mienne pour s’occuper d’elle, pour se reprocher de l’avoir attristée, ou pour s’affliger de ce qui l’affligeait. Et toutes ces idées-là ont bien de la douceur ; elles en avaient tant pour moi que je pleurais moins par chagrin, je pense, que par mignardise.

Avançons. J’achevai la soirée avec mon amie la religieuse, dont enfin je vais dans un moment vous conter l’histoire.