Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/145

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Je tenais ma lettre, que je lui présentais et qu’il ne prenait point, et son peu d’attention me laissait dans une posture qui était risible, et dont je ne savais pas comment me remettre.

Il y avait d’ailleurs là cette compagnie dont j’ai parlé, et qui me regardait ; elle était composée de trois ou quatre messieurs, dont pas un n’avait une mine capable de me réconforter.

C’était de ces figures, non pas magnifiques, mais opulentes, devant qui la mienne était si ravalée, malgré ma petite doublure de soie ! Tous gens d’ailleurs d’un certain âge, pendant que je n’avais que dix-huit ans, ce qui n’était pas un article si indifférent qu’on le croirait ; car si vous aviez vu de quel air ils m’observaient, vous auriez jugé que ma jeunesse était encore un motif de confusion pour moi.

À qui en veut ce polisson-là avec sa lettre ? semblaient-ils me dire par leurs regards libres, hardis, et pleins d’une curiosité sans façon.

De sorte que j’étais là comme un spectacle de mince valeur, qui leur fournissait un moment de distraction, et qu’ils s’amusaient à mépriser en passant.

L’un m’examinait superbement de côté ; l’autre, se promenant dans ce vaste cabinet, les mains derrière le dos, s’arrêtait quelquefois auprès de M. de Fécour qui continuait d’écrire, et puis se mettait de là à me considérer commodément et à son aise.

Figurez-vous la contenance que je devais tenir.

L’autre, d’un air pensif et occupé, fixait les yeux