Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/149

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visage, mais une âme noble, vertueuse et tendre, et par conséquent charmante à voir.

Je ne dis rien de la femme âgée qui l’accompagnait, et qui n’intéressait que par sa modestie et par sa tristesse.

M. de Fécour, en me congédiant, s’était levé de sa place et causait debout au milieu du cabinet avec ces messieurs ; il salua assez négligemment la jeune dame qui l’aborda.

Je sais ce qui vous amène, lui dit-il, madame ; j’ai révoqué votre mari, mais ce n’est pas ma faute s’il est toujours malade, et s’il ne peut exercer son emploi ; que voulez-vous qu’on fasse de lui ? ce sont des absences continuelles.

Quoi ! monsieur, lui dit-elle d’un ton fait pour tout obtenir, n’y a-t-il plus rien à espérer ? Il est vrai que mon mari est d’une santé fort faible ; vous avez eu jusqu’ici la bonté d’avoir égard à son état ; faites-nous encore la même grâce, monsieur, ne nous traitez pas avec tant de rigueur (et ce mot de rigueur, dans sa bouche, perçait l’âme), vous nous jetteriez dans un embarras dont vous seriez touché, si vous le connaissiez tout entier ; ne me laissez point dans l’affliction où je suis, et où je m’en retournerais si vous étiez inflexible ! (inflexible, il n’y avait non plus d’apparence qu’on pût l’être ; ) mon mari se rétablira ; vous n’ignorez pas qui nous sommes, et le besoin extrême que nous avons de votre protection, monsieur.

Ne vous imaginez pas qu’elle pleura en tenant ce discours ; et je pense que, si elle avait pleuré, sa