Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/158

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ans, monsieur, reprit-elle en rougissant. Vingt ans, dit-il, pourquoi se marier jeune ? Vous voyez ce qui en arrive : il vient des enfants, des traverses, on n’a qu’un petit bien ; et puis on souffre, et adieu le ménage. Ah çà ! n’importe, elle est gentille, votre fille, fort gentille, ajouta-t-il en parlant à la mère, j’aimerais assez sa figure, mais ce n’est pas à cause de cela que j’ai eu envie de la voir ; au contraire, puisqu’elle est sage, je veux l’aider, et lui faire du bien. Je fais grand cas d’une jeune femme qui a de la conduite, quand elle est jolie et mal à son aise, je n’en ai guère vu de pareilles ; on ne fuit pas les autres, mais on ne les estime pas. Continuez, madame, continuez d’être toujours de même. Tenez, je suis aussi fort content de ce jeune homme-là, oui, très édifié ; il faut que ce soit un honnête garçon, de la manière dont il a parlé tantôt, allez, vous êtes un bon cœur, vous m’avez plu, j’ai de l’amitié pour vous ; ce qu’il a fait chez M. de Fécour est fort beau, il m’a étonné. Au reste, s’il ne vous donne pas un autre emploi (c’était à moi à qui il parlait, et de M. de Fécour), j’aurai soin de vous, je vous le promets ; venez me voir à Paris, et vous de même (c’était la jeune dame que ces paroles regardaient). Il faut voir à quoi M. de Fécour se déterminera pour votre mari ; s’il le rétablit, à la bonne heure ; mais indépendamment de ce qui en sera, je vous rendrai service, moi, j’ai des vues qui vous conviendront et qui vous seront avantageuses. Mais assoyons-nous, êtes-vous pressée ? il n’est que deux heures et demie, contez-moi un peu