Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un honnête homme, et il est vrai que vous paraissez l’être ; quoique je vous connaisse fort peu, je l’ai toujours pensé de même ; les gens chez qui nous nous sommes vus vous le diraient ; et il ne faudrait compter sur la physionomie de personne si vous me trompiez. Au reste, monsieur, en gardant le silence, non seulement vous satisferez à la probité qui l’exige, mais vous rendrez encore justice à mon innocence ; il n’y a ici que les apparences contre moi, soyez-en persuadé, je vous prie.

Ah ! madame, reprit-il alors, vous vous méfiez encore de moi, puisque vous songez à vous justifier. Eh ! de grâce, un peu plus de confiance ; j’ai intérêt de vous en inspirer ; ce serait autant de gagné sur votre cœur, et vous en seriez moins éloignée d’avoir quelque retour pour moi.

Du retour pour vous ! dit-elle avec un ton d’affliction ; vous me tenez là un terrible discours ; il est bien dur pour moi d’y être exposée, vous me l’auriez épargné en tout autre temps ; mais vous croyez qu’il vous est permis de tout dire dans la situation où je me trouve ; et vous abusez des raisons que j’ai de vous ménager, je le vois bien.

Par parenthèse, n’oubliez pas que j’étais là, et qu’en entendant parler ainsi Mme de Ferval, je me sentais insensiblement changer pour elle, que ma façon de l’aimer s’ennoblissait, pour ainsi dire, et devenait digne de la sagesse qu’elle montrait.

Non, madame, ne me ménagez point, s’écria-t-il, rien ne vous y engage ; ma discrétion dans cette affaire-