Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/188

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lui dit-il, avec qui vous justifiez-vous ? Suis-je d’un âge et d’un caractère à vous faire un crime de votre rendez-vous ? Pensez-vous que je vous en estime moins, parce que vous êtes capable de ce qu’on appelle une faiblesse ? Eh ! tout ce que j’en conclus, au contraire, c’est que vous avez le cœur meilleur qu’une autre. Plus on a de sensibilité, plus on a l’âme généreuse, et par conséquent estimable ; vous n’en êtes que plus charmante en tous sens ; c’est une grâce de plus dans votre sexe, que d’en être susceptible, de ces faiblesses-là. (Petite morale bonne à débiter chez Mme Remy ; mais il fallait bien dorer la pilule.) Vous m’avez touché dès la première fois que je vous aie vue, continua-t-il, vous le savez, je vous regardais avec un plaisir infini ; vous vous en êtes aperçue, j’ai lu plus d’une fois dans vos yeux que vous m’entendiez, avouez-le, madame.

Il est vrai, dit-elle d’un ton plus calme, que je soupçonnais quelque chose. (Et moi je soupçonnais à ces deux petits mots que je redeviendrais ce que j’avais été pour elle.) Oui, je vous aimais, ajouta-t-il, toute triste, toute solitaire, toute ennemie du commerce des hommes que je vous croyais ; et ce n’est point cela, je me trompais ; Mme de Ferval est née tendre, est née sensible ; elle peut elle-même se prendre de goût pour qui l’aimera ; elle en a eu pour ce jeune homme ; il ne serait donc pas impossible qu’elle en eût pour moi qui la cherche, et qui la préviens ; peut-être en avait-elle avant que ceci arrivât ? et en ce cas, pourquoi me le cacheriez-vous, ou