Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/191

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Eh bien, dit-il avec feu, louons-nous donc de cette aventure, il n’y a point à hésiter, madame. Quand je songe, répondit-elle, que c’est un engagement qu’il s’agit de prendre, un engagement, chevalier ! cela me fait peur. Pensez de moi comme il vous plaira, quelles que soient vos idées, je ne les combats plus, mais il n’en est pas moins vrai que la vie que je mène est bien éloignée de ce que vous me demandez ; et puisqu’enfin il faut tout dire, savez-vous bien que je vous fuyais, que je me suis plus d’une fois abstenue d’aller chez les gens chez qui je vous rencontrais ? Je n’y ai pourtant encore été que trop souvent.

Quoi ! dit-il, vous me fuyiez, pendant que je vous cherchais ! vous me l’avouez, et je ne profiterais pas du hasard qui m’en venge, et je vous laisserais la liberté de me fuir encore ! Non, madame, je ne vous quitte point que je ne sois sûr de votre cœur, et qu’il ne m’ait mis à l’abri de cette cruauté-là. Non, vous ne m’échapperez plus, je vous adore, il faut que vous m’aimiez, il faut que vous me le disiez, que je le sache, que je n’en puisse douter. Quelle impétuosité ! s’écria-t-elle, comme il me persécute ! Ah ! chevalier, quel tyran vous êtes, et que je suis imprudente de vous en avoir tant dit !

Eh ! répondit-il avec douceur, qu’est-ce qui vous arrête ? Qu’a-t-il donc de si terrible pour vous, cet engagement que vous redoutez tant ? Ce serait à moi à le craindre ; ce n’est pas vous qui risquez de voir finir mon amour, vous êtes trop aimable pour cela, c’est moi qui le suis mille fois moins que vous, et qui par là