Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/213

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se passait encore, je ne laissai pas que d’avoir quelques moments de recueillement où je me considérai avec cette épée à la main, et avec mon chapeau enfoncé en mauvais garçon ; car je devinais l’air que j’avais, et cela se sent ; on se voit dans son amour-propre, pour ainsi dire ; et je vous avoue qu’en l’état où je me supposais, je m’estimais digne de quelques égards, que je me regardais moi-même moins familièrement et avec plus de distinction qu’à l’ordinaire ; je n’étais plus ce petit polisson surpris de son bonheur, et qui trouvait tant de disproportion entre son aventure et lui. Ma foi ! j’étais un homme de mérite, à qui la fortune commençait à rendre justice.

Revenons à la cour de cette maison où nous étions, mon jeune inconnu, moi, le chirurgien et tout ce monde. Mme d’Orville m’y aperçut tout d’un coup.

Eh ! monsieur, c’est vous ! s’écria-t-elle effrayée de dessus son escalier où elle s’arrêta. Eh ! que vous est-il donc arrivé ? Êtes-vous blessé ? Je n’ai, répondis-je en la saluant d’un air de héros tranquille, qu’une très petite égratignure, madame, et ce n’est pas à moi à qui on en voulait ; c’est à monsieur qui est blessé, ajoutai-je en lui montrant le jeune inconnu