Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/221

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quoi dans ses yeux qui m’encourageait, qui m’assurait qu’elle ne serait pas d’un difficile abord.

Il y a de certains airs dans une femme qui vous annoncent ce que vous pourriez devenir avec elle ; vous y démêlez, quand elle vous regarde, s’il n’y a que de la coquetterie dans son fait, ou si elle aurait envie de lier connaissance. Quand ce n’est que le premier, elle ne veut que vous paraître aimable, et voilà tout, ses mines ne passent pas cela ; quand c’est le second, ces mines en disent davantage, elles vous appellent, et je crus voir ici que c’était le second.

Mais on a peur de se tromper, et je la suivis jusqu’à l’escalier sans rien oser que d’avoir toujours les yeux sur elle, et la coudoyer même en marchant.

Elle me tira d’intrigue, et remédia à ma retenue discrète par une petite finesse qu’elle imagina, et qui fut de laisser tomber son éventail.

Je sentis son intention, et profitai du moyen qu’elle m’offrait de placer une politesse, et de lui dire un mot ou deux en lui rendant l’éventail que je ramassai bien vite.

Ce fut pourtant elle qui, de peur de manquer son coup, parla la première : Monsieur, je vous suis obligée, me dit-elle d’un air gracieux en le recevant. Je suis trop heureux, madame, d’avoir pu vous rendre ce petit service, lui répondis-je le plus galamment qu’il me fut possible ; et comme en cet instant elle semblait chercher à mettre sûrement le pied sur la première marche de l’escalier, je tirai encore parti