Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/24

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Oh ! le coup de baguette de celle-là ne fut pas doux ; car, me regardant d’un œil hagard, et levant les épaules sur moi : Hum ! qu’est-ce que c’est que cela ? dit-elle ; quelle bégueule, à son âge, de vouloir épouser ce godelureau ! il faut qu’elle ait perdu l’esprit.

Tout doucement, ma bonne mère, vous le perdriez bien au même prix, lui répondis-je, enhardi par tout ce que les autres m’avaient dit de flatteur.

Ma réponse réussit, ce fut un éclat de rire général, tout l’escalier en retentit, et nous entrâmes, le valet de chambre et moi, dans l’appartement, en laissant une querelle bien établie entre la gouvernante et le reste de la maison qui la sifflait en ma faveur.

Je ne sais pas comment la vieille s’en tira : mais, comme vous voyez, mon début était assez plaisant.

La compagnie était chez madame ; on m’y attendait, et ce fut aussi chez elle que me mena mon guide.

Modestie et courage, voilà avec quoi j’y entrai. J’y trouvai Mlle Habert, l’aînée, par qui je commence parce que c’est contre elle que je vais plaider. M. le président, homme entre deux âges.

Mme la présidente, dont la seule physionomie m’aurait rassuré, si j’avais eu peur ; il n’en faut qu’une comme celle-là dans une compagnie pour vous faire aimer toutes les autres ; non pas que Mme la présidente fût belle, il s’en fallait bien ; je ne vous dirai pas non plus qu’elle fût laide, je n’oserais ; car si la bonté, si la franchise, si toutes les qualités qui