Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Et, à propos de dévotes, ce fut bien dans cette occasion où j’aurais pu dire :

Tant de fiel entre-t-il dans l’âme des dévots !

Je n’ai jamais vu de visage si furibond que celui de la Mlle Habert présente ; cela la changeait au point que je pensai la méconnaître.

En vérité il n’y a de mouvements violents que chez ces personnes-là, il n’appartient qu’à elles d’être passionnées ; peut-être qu’elles croient être assez bien avec Dieu pour pouvoir prendre ces licences-là sans conséquence, et qu’elles s’imaginent que ce qui est péché pour nous autres profanes, change de nom, et se purifie en passant par leur âme. Enfin je ne sais pas comment elles l’entendent, mais il est sûr que la colère des dévots est terrible.

Apparemment qu’on fait bien de la bile dans ce métier-là ; je ne parle jamais que des dévots, je mets toujours les pieux à part ; ceux-ci n’ont point de bile, la piété les en purge.

Je ne m’embarrassai guère de la fureur avec laquelle me regardait Mlle Habert ; je jetai les yeux sur elle aussi indifféremment que sur le reste de la compagnie, et je m’avançai en saluant M. le président.