Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/28

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n’as été qu’un moment son domestique, puisque tu es actuellement à son service ?

Oui, monsieur, à son service comme au vôtre, je suis fort son serviteur, son ami, et son prétendu, et puis c’est tout.

Mais, petit fripon que vous êtes, s’écria là-dessus ma future belle-sœur, qui ne trouvait pas que le président me parlât à sa fantaisie, mais pouvez-vous à votre âge mentir aussi impudemment que vous le faites ? Là, mettez la main sur la conscience, songez que vous êtes devant Dieu, et qu’il nous écoute. Est-ce que ma folle de sœur ne vous a pas rencontré dans la rue ? N’étiez-vous pas sur le pavé, sans savoir où aller, quand elle vous a pris ? Que seriez-vous devenu sans elle ? Ne seriez-vous pas réduit à tendre la main aux passants, si elle n’avait pas eu la charité de vous mener au logis ? Hélas ! la pauvre fille, il valait bien mieux qu’elle n’eût pas pitié de vous : il faut bien que sa charité n’ait pas été agréable à Dieu, puisqu’il s’en est suivi un si grand malheur pour elle ; et quel égarement, monsieur le président, que les jugements de Dieu sont terribles ! Elle passe un matin sur le Pont-Neuf, elle rencontre ce petit libertin, elle me l’amène, il ne me revient pas, elle veut le garder à toute force malgré mon conseil et l’inspiration d’un saint homme qui tâche de l’en dissuader ; elle se brouille avec lui, se sépare d’avec moi, prend une maison ailleurs, y va loger avec ce misérable, (Dieu me pardonne de l’appeler ainsi ! ) se coiffe de lui, et veut être sa femme, la femme d’un valet, à près de cinquante ans qu’elle a.