Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/34

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Ce n’est pas que je m’en plaigne, monsieur le président, il n’y a rien à dire, c’est la coutume de vous autres grands messieurs ; toi, c’est ma part et celle-là du pauvre monde ; voilà comme on le mène : pourquoi pauvre monde est-il ? ce n’est pas votre faute, et ce que j’en dis n’est que pour faire une comparaison. C’est que mademoiselle, à qui ce serait mal fait de dire : Que veux-tu ? n’est presque pourtant pas plus mademoiselle que je suis monsieur, c’est ma foi la même chose.

Comment donc, petit impertinent, la même chose ? s’écria-t-elle.

Eh ! pardi, oui, répondis-je ; mais je n’ai pas fait, laissez-moi me reprendre. Est-ce que M. Habert votre père, et devant Dieu soit son âme, était un gredin, mademoiselle ? Il était fils d’un bon fermier de Beauce, moi fils d’un bon fermier de Champagne ; c’est déjà ferme pour ferme ; nous voilà déjà, monsieur votre père et moi, aussi gredins l’un que l’autre ; il se fit marchand, n’est-ce pas ? Je le serai peut-être ; ce sera encore boutique pour boutique. Vous autres demoiselles qui êtes ses filles, ce n’est donc que d’une boutique que vous